Pierre vivait avec Erwan et les enfants depuis trois jours, maintenant. L'idée de partir ne lui avait pas effleuré l'esprit, il se sentait si bien avec eux. Il aidait parfois Misha à préparer les repas, il observait Angus dans le tannage des peaux, il accompagnait Erwan à la chasse, et cette existance lui convenait parfaitement.
D'ailleurs, où serait-il allé ?
Il faudrait tout de même qu'il parte un jour, il n'allait pas vivre aux crochets de cette famille éternellement. De plus, peut-être qu'il avait une famille, lui, qui l'attendait...



-J'ai lu ce livre, il y a peu de temps, dit Erwann à Pierre en lui tendant un petit volume relié alors qu'ils rentraient de la chasse. Tu le connais ?
Pierre prit le petit livre et vit comme titre "Chimie et Alchimie".
-Ca ne me dit rien du tout, répondit Pierre, mais étant donné que ma mémoire est en pièces, il se peut très bien que je l'aie lu... Pourquoi cette question ?
-Je l'ai trouvé très intéressant, et j'aimerais me lancer dans cette voie. Alors tu aurais pu m'aider si tu avais été expérimenté.
-Je suis désolé. Je ne peux pas t'aider pour le moment, et je ne sais pas si je pourrai t'aider un jour.
-Ce n'est pas grave, rentrons. Je commence à avoir faim et Misha doit avoir préparé le repas.
-Je meurs de faim, moi aussi, dit Pierre.
Erwan regarda son compagnon. Sa tunique ne flottait plus autour de sa poitrine comme lorsqu'il l'avait trouvé. A présent, ses muscles remplissaient parfaitement le vêtement.
-Comment va ta tête ?
-Je n'ai plus mal, sauf quand je suis sur le point de me souvenir de quelque chose. Là, j'ai de terribles élancements, comme si mon esprit luttait contre ma volonté pour ne pas se souvenir.
-Tu te souviendras sûrement un jour, garde espoir.
-Peut-être qu'il sera trop tard...



Pierre coupait du bois, derrière la maison. Il suait à grosses gouttes sous le soleil chaud, mais le civet de lapin avait besoin de plus que du soleil pour cuire, et il s'était naturellement proposé pour la corvée de bois. Angus était assis devant la maison en train de se fabriquer un nouveau pantalon, car celui qu'il portait actuellement était vraiment trop petit. Et Misha coupait le lapin en morceaux dans la maisonette.
Attentif, le jeune homme se rendit compte que les oiseaux ne chantaient plus : mauvais présage.
-Ahhh ! mais lâchez-moi !! cria Angus.
-Angus !!! cria Misha.
-Attrapez-la, elle aussi, dit une voix gutturale. Goth a bien dit qu'il les voulait les deux.
Sans réfléchir, Pierre alla voir ce qui se passait tout en restant caché par l'angle de la maison. Une dizaine d'humanoïdes se tenaient là, dont deux qui avaient les enfants dans les bras.
Ils avaient la peau brune, presque noire, qui ressemblait à du cuir, et leur grande taille, plus de deux mètres, les rendait impressionnants. Ils portaient des vêtements minimalistes, uniquement un morceau de toile autour des reins. Et leurs armes se limitaient visiblement à des marteaux ou des massues.
Pierre bondit près de celui qui tenait Angus et lui abattit sa hache sur la nuque. La tête vola et Pierre rattrapa Angus du corps qui tombait. Il courut ensuite vers celui qui tenait Misha, mais il n'y avait plus d'effet de surprise. Les deux combattants étaient à égalité, avec chacun un enfant sur un bras et une arme dans la main.
Comment Pierre s'en sortirait-il, avec deux enfants à protéger et une dizaine d'ennemis à combattre ?
Qui étaient ces hommes étranges ? Pourquoi s'en étaient-ils pris aux enfants ?